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faraud, le glorieux. C’était flatteur, cette blessure. Tout le monde n’a pas, de notre temps, une blessure de guerre. Mais quand il se vit dans cette prison de la rue de Grenelle ou de la rue Saint-Dominique (peu importe…), enfin dans cette grande bâtisse de la rive gauche, dans cette poussière, et qu’il eut la perception brusque du déroulement de ses jours, jusqu’à la mort, de ce gravissement de jours sans nombre, il comprit cette irrémédiable déchirure : jamais il ne se guérirait d’avoir connu l’Afrique.

Oh ! l’Afrique ! C’est une immense splendeur dans le monde. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, toute l’Afrique, il la voit, il la connaît. C’est un fantôme lointain fait de clarté et de silence. On ne guérit pas d’avoir rencontré la beauté… C’est Ligeia, cette femme du nord, dans le soleil. C’est du mystère, de l’infini, mais dans des nuits légères, et douces, et spirituelles.

Autour de ce fantôme sa vie s’organise, se polarise. Autour d’une heure qui n’est plus. Donc le centre manque, l’axe. Sa vie est décentrée, désaxée.

En rentrant en France, il était un peu glorieux, et gai. C’était la France, la douce, et doulce France… Il était allé à Voulangis, pas-