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tâtonnait, il bafouillait délicieusement dans ce début de vie qu’il essayait. L’égoïsme d’un cœur sans tendresse lui fait horreur, mais il avait peur aussi de trop se disperser, de perdre trop de lui-même dans les faubourgs de la volupté. D’ailleurs lui, si maladroit à s’analyser, il avait trouvé la nuance exacte de son sentiment : il faisait, ce sentiment, un admirable deuxième plan à sa fièvre d’agir, de sentir.

Il racontait sa découverte de l’Afrique. C’était sa véritable affaire. Mais il s’était mis en règle avec Eros, et il se laissait aller :

« Après la traversée du Tagant, nous nous sommes trouvés un matin sur la pente orientale du massif, dominant, du haut de ses derniers rocs, l’immense moutonnement des dunes de l’Aouker. Là, c’est le silence éternel, l’éternel abandon, la mort. Les Maures eux-mêmes redoutent ces sables de la soif. Moi, je me laisse aller au vertige de cette solitude rose. Malgré moi, je pense à Pascal : « Le silence infini de ces espaces éternels… « Donc, c’est un peu comme une nuit d’été, dans une plaine de Brie, par exemple, quand toutes les étoiles sont là, et qu’on sait que tout de même il y en a d’autres encore par derrière. Le capitaine