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diocres qu’elles fussent, s’inscrivaient vivaces, vivantes, dans la tête du jeune homme. Il faisait flèche de tout bois. Tout désormais lui serait matière à souvenirs.

Ils s’ennuyaient. La soirée s’étirait. Les têtes s’alourdissaient, et les heures. Ils sortirent et vinrent s’échouer dans un beuglant. Des bancs de bois se pressaient dans une salle petite et nue, toute ennuagée de fumée de pipe. Une femme ignoble — toujours la même — gémissait une romance sur une estrade de bois. Des marins, des ouvriers du port buvaient de la bière, attentifs, la face tendue vers la chanteuse. Les coloniaux voulurent faire fuir cette masse hideuse. Des murmures s’élevèrent, Comme les choses menaçaient de se gâter, un vieux proposa la retraite.

Il était tard. Maurice s’aperçut qu’il était seul sur le quai. Ses amis l’avaient quitté, s’enfonçant dans des ruelles obscures qu’éclairait seule, au fond, quelque lanterne. Il avait le cœur vague.

Il aspira une bouffée d’air, leva les yeux. Tiens ! Les étoiles étaient là ! Il frissonna, et, comme un jupon passait, qui sentait l’ail et le musc, il le suivit…