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son temps dont il lit comme des livres les âmes claires. La plus étrange « coutume » lui paraît être que nous ayons pu maintenir, malgré tant de coalitions, un petit canton de vertus guerrières où l’on se préoccupât encore d’éternité.

Nangès passa vite à Dakar dont les constructions hâtives sentent l’escale, le point de passage, et ne disent rien[1]. Le lendemain de son débarquement, il montait dans le chemin de fer qui mène à Saint-Louis. Pendant la traversée du Cayor, il commença à se sentir chez lui. Il ne se trompait pas, il était bien en Afrique. Ces plaines de sable, cette brousse diaphane, toute pénétrée de lumière, avec ses tamariniers et ses baobabs monstrueux, et l’air qui tremble sur la savane endormie, c’était bien l’Afrique. Et ces longs troupeaux de bœufs et de moutons, et ces trois chameaux qui balancent monotonement de maigres Maures aux cheveux hirsutes… Il les connaissait bien,

  1. L’opinion de Nangès était justifiée il y a quelques années. Elle ne le serait plus aujourd’hui où Dakar est devenu l’une de nos plus belles villes d’outre-mer. C’est une de nos gloires que cette rapide transformation d’une médiocre escale en un grand port français.