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penses à la payse ! Vas-y, mon petit, raconte ça à ton ancien !

Maurice répondit lentement :

— C’est pas ça, vieux, c’est pas ça. Mais je ne m’amuse pas trop ici. Je voudrais partir, faire comme les autres. J’en ai assez d’attendre mon tour.

Le canonnier sourit des juvéniles ardeurs de son brigadier, et il gronda paternellement :

— Plains-toi, petit ! Tu es jeune, tu as l’avenir devant toi. Tu es une bonne tête. Le galon de margis ne tardera pas trop.

Maurice détournait la tête. Il mettait sa lèvre en arc, amer, désespéré, parce qu’il ne savait plus du tout où il en était. Son cœur battait dans sa poitrine carrée. Il avait la gorge sèche, d’une soif inapaisable de dévouement, de gloire. Son pauvre cœur se gonflait comme une voile avant l’appareillage pour la haute mer. Parfois il éprouvait comme si sa vocation lui faisait peur, et il se demandait aussi si cela était bien vrai que rien n’existât dans le monde que cette pensée où il était fixé, et qui le fixait et le transfixait.

Des gens étaient entrés qui buvaient lourdement, sans beaucoup parler, parce que la