Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermes, on apercevait des hommes halant sur la chaîne des puits, des chevaux à la corde, des foyers improvisés où fumaient des marmites en répandant une acre odeur. Mais les rues, la place, avaient une sorte d’air de fête. Manifestement, les habitants de ce bourg perdu étaient heureux de recevoir des soldats. Ils n’en avaient pas vu depuis la guerre ! Sur la place, où les canons dormaient sous la garde d’un conducteur sabre au clair, les cafés s’emplissaient d’un joyeux tumulte. De vieux sous-officiers, les moustaches tombantes, quelques-uns avec des barbiches de vieux grognards, battaient déjà leur absinthe à la terrasse d’un bistro. De l’intérieur venait le bruit des billes d’ivoire d’un billard et des appels aux servantes affolées. Maurice Vincent sur la place croisa son capitaine. Il se promenait avec deux camarades.

Dans un milieu d’où l’élégance militaire était proscrite, comme une vanité indigne de vrais soldats, Nangès étonnait par une distinction de note très juste, sa grande allure. Vêtu sans recherche, il avait des manières de gentilhomme qui n’éloignaient pas pourtant la sympathie. On sentait une belle humanité,