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contemplent d’un air entendu les lourdes pièces d’acier qui semblent à l’abandon maintenant.

Dans la grange qui lui était assignée, Vincent ordonnait un bouchonnage sommaire des chevaux, faisait disposer les selles, les couvertures, les sabres, les brides, dans l’ordre imposé, tout en « briquant » lui-même ses gourmettes et ses étriers. C’était dans cette grange un bourdonnement joyeux et confus. Les hommes en bras de chemise sifflaient. Les chevaux piaffaient, hennissaient, tandis que le vieux garde d’écurie poussait de sonores « holà » !

Parmi ces vieux soldats, Vincent paraissait un enfant. Pourtant sa voix commandait, et d’instinct, il avait trouvé le ton qu’il fallait. Les moins disciplinés n’étaient pas les vieux chargés de campagnes et de brisques, mais quelques engagés, au duvet juvénile.

Étrange armée, archaïque et barbue, mais qui sait s’imposer et commander l’admiration !

Depuis huit jours de manœuvres, fantassins et artilleurs coloniaux étonnaient les jeunes troupes issues de la nation armée. Tous sentaient que ces vieux pirates étaient le rempart de la nation, et que ceux-là étaient à l’abri de toute compromission, de toute faiblesse.