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Timothée la trouvait touchante. Elle reposait de biais sur un canapé chargé de parfums, et elle était vêtue de taffetas léger, toute rose et blonde, dans l’ombre sévère de la chambre. Sur un coussin tissé d’or mat, que l’âge avait pâli, un de ses bras s’alanguissait. Timothée prit la main qui semblait l’attendre, la serra ardemment, et penché sur elle :

— Pardonne-moi, mon amie, dit-il, pardonne-moi. Nous sommes ainsi, que veux-tu, quand nous avons un peu roulé à travers le monde. C’est vrai, les bonheurs stables nous font peur. J’ai des vertiges de nouveauté ou de solitude ou de souffrance, si tu veux. Mais va ! console-toi. Tu es toujours l’étape où il faut bien arriver, le clair foyer où l’on revient après une route noire, dans la nuit.

Tout ceci était bien fade. La jeune femme le sentit et trouva plus simple de tendre ses lèvres à Timothée qui sombra dans l’amour offert. Il avait envie de sangloter.

Mais au demeurant, qu’importe la banalité de ces gestes ? Timothée comprendrait la vulgarité à laquelle il échappe à peine, et il la comprendrait jusqu’à la souffrance, si l’amère douceur d’un deuil prochain ne venait donner