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VIII

— Savez-vous, ma chère Valérie, que voici bientôt trois ans que nous nous connaissons ! Que de souvenirs déjà, que d’heures douces et cruelles, toutes précieuses, de sombres et de claires, toutes si ardentes à chercher le bonheur !

C’est Timothée Nangès qui parle ainsi à sa maîtresse ! Ô caprices étonnants de l’amour ! Détours imprévus du cœur, chemins obscurs, impasses… Déjà il va partir, et il s’aperçoit que son amante est désirable, et c’est maintenant qu’il va s’essayer à l’aimer ! Il n’y prenait pas garde, l’insouciant ! — Mais que la sirène lointaine d’un steamer semble l’appeler, et il s’avise qu’un regret lui sera doux. Il lui faut un chant qui soit le dernier, une note dans ce chant qui soit la dernière, qui se prolonge, comme le bruit d’une fête vers qui l’on va.

La jeune femme eut un regard long, immobile, posé. Le quart d’heure était important. En vraie séductrice, elle comprit ce qu’il fallait à ce cœur :