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en lui rappelant sa faim. Deux ou trois bonnes gens étaient là. Maurice les connaissait. Il leur serra la main et demanda à la servante une omelette, un morceau de lard et du fromage. La présence de ces braves campagnards et ce dîner aussi simple que confortable lui rendirent l’optimisme dont il était coutumier. La salle était bien éclairée et sentait bon les légumes, la saine campagne, le pot-au-feu. Les dîneurs parlaient de chasse et leurs propos plaisaient à Maurice qui s’y mêla, avec cette sorte de fraternité aimable qui s’établit vite dans une auberge de France.

Mais quand il eut quitté l’humble logis et qu’il se retrouva sur le quai de la gare, il ne sentit plus qu’une extrême lassitude. Il avait hâte d’être dans le train pour s’endormir. Il n’y avait pas un voyageur. Le quai était désert. Là-bas, une locomotive égarée crachotait, sur une voie de garage. Maurice percevait la fuite du temps et comptait les minutes qui tombaient pesamment dans le silence. Tout à coup il perdit conscience de la réalité. C’étaient déjà des souvenirs, tout ce qu’il venait de vivre. Les seules joies qu’il pourrait garder étaient celles du souvenir. Les prairies du