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— Ne sois pas triste, ma bonne Clairette, disait-il. Pourquoi donc attrister une belle heure qui passe si vite ?

Et au fond de lui, il retrouvait la certitude que cette délicieuse enfant n’était pas, ne serait jamais tout son cœur. Jusqu’à la douleur, il connaissait la brièveté d’une minute de désir, et confusément il voyait apparaître mille choses que l’amour, un instant victorieux, avait effacées de son cœur. Dans son existence, si bien tracée qu’elle semblait une belle route sans détours, une déviation sentimentale ne pouvait mener loin, Maurice se rendait compte que ce n’était pas Claire qui donnait l’unité ni sa raison d’être à l’existence qu’il se voulait, — S’il avait pu exprimer ce qu’il apercevait si trouble lui-même, voici à peu près ce qu’aurait dit Maurice Vincent, — et s’il avait osé :

— Oui, j’aime ton corps, j’aime ta peau, belle fille de printemps. J’aime cette clarté qui vient de toi et j’aime mon désir quand il t’approche. Pourquoi une force obscure m’arrête-t-elle, au moment où je veux entrer dans ta maison ? Est-ce là ce qu’on appelle un peu solennellement le destin ? Je crois plutôt que c’est la vie tout simplement. Hélas ! elle balaie tout, elle