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frêles enfants purs — et qui l’avaient oubliée. Avec des yeux frais, avec des yeux tout neufs, ils avaient eu cette vision-là et ils ne se rappelaient plus, et ils ne pleuraient plus à ces noms pitoyables : Niederbronn, Rezonville, Gravelotte, Bazeilles, Beaune-la-Rolande, Bapaume, Champigny, Buzenval, — car ils avaient perdu cette grande pitié.

Ainsi cet abandonnement de la France, qui était venu de Dieu, se prolongeait sur plusieurs générations marquées, et la défaite engendrait la défaite. Enfin, tout d’un coup, — comme, à la fin d’un long interdit, des églises se rempliraient de chants graves et joyeux, — de jeunes hommes étaient venus qui chantaient, et pleuraient, et riaient. Ceux-là n’avaient pas vu la défaite, et ils s’en souvenaient au contraire, et l’alouette, qui longtemps s’était tue, ouvrait de nouveau les ailes, sur le casque.

Maurice Vincent, depuis qu’il était entré dans la maison natale, se trouvait devant un de ces hommes qui semblent vraiment porter le poids d’une effroyable condamnation. Les contemporains de Sébastien pouvaient être grands selon l’esprit. Ils ne pouvaient pas l’être