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pour en sortir son attelage. L’odeur saine, nocturne, l’exhalaison violente des litières le réveillèrent. Il harnacha ses chevaux en sifflotant. La vie lui semblait belle. Il touchait un de ces moments simples où toute théorie, tout théorème, sont abolis, un de ces moments élémentaires où, sans raison apparente, il se fait en nous des inscriptions valables pour la vie entière.

Dans la grande cour du quartier, après qu’il eût attelé, Maurice lança un regard sur la blanche machine de guerre qui déjà lui semblait à lui, avec laquelle, déjà, il faisait corps. Confusément, il en sentait l’élégante beauté, la parfaite harmonie, non point cherchée ni voulue, mais obtenue toute seule, comme par hasard, par le simple jeu des chiffres, la mathématique… Beaux canons, précis et gais, avec des ornements qui n’en sont pas… Beaux joujoux… Là, l’heureuse proportion des lignes ne vient pas d’un souci d’esthétique, — mais, inconcevable surprise — de tel théorème de mécanique qu’on y a appliqué rigoureusement. Jamais nos ingénieurs n’ont eu l’idée de faire un canon joli, — et les équations de Sainte-Claire Deville se sont trouvées d’accord avec ce que nos