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à la pâte humaine que la destinée a formée des limons lointains du Grand Morin, puis envoyée pour lui vers les galets de la Normandie.

Admirables détours de l’esprit humain pour arriver à l’optimisme ! L’esprit de Timothée est ainsi fait qu’il procède par touches légères et qu’il arrive à l’unité par une dispersion originelle. C’est le procédé des peintres dits « pointillistes ». Les mots de rationalisme, de science, de laïcité, qui volent dans l’air et qu’il recueille au passage ; l’écœurant bavardage des commis voyageurs de la pensée humaine, sont comme autant de fils dont il finit par faire un tissu serré et uni. Triste résultat que celui de cette méthode, et que rejette un Servat visionnaire et synthétique, développant dans le domaine de l’histoire la loi des séries.

Mais tout d’un coup, un horizon apparaît, celui de la terre briarde, si médiocre et si chargée de mémoire tout ensemble. Maurice pousse là, comme un bel arbre, lourd de gui. Il a de la grâce physique, de la gaieté, un corps qui trahit son âme, une jeunesse pleine de promesses. Timothée devient plus visionnaire, plus synthétique que Servat lui-même, et, par une autre route, arrive à son optimisme. Une