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la guerre qui sera sainte, qui sera douce à nos cœurs malades. Quand il est venu vers nous, c’est toute l’espérance qui venait. Lorsqu’on reçoit de tels cadeaux, on doit se donner tout entier. Il n’est plus de partage possible.

Comme l’heure du dîner approchait, les amis de Nangès partirent. Le capitaine sentit un poids lourd qui l’oppressait. Rien n’est plus pénible que de se retrouver seul dans un endroit où l’on vient, avec des amis, de causer, de boire et de fumer. Les tasses à moitié vides, les soucoupes emplies de la cendre des cigares, l’atmosphère chaude et bleue de fumée nous font mieux connaître un isolement auquel les charmes de la conversation nous avaient moins préparés. Nangès vit que le meilleur parti à prendre était de s’enfuir lui-même, comme s’il était le dernier des invités.

Dehors, le hasard de sa promenade le conduisit vers la rue Tour-Carrée. Il était sept heures. Des soldats, des ouvriers de l’Arsenal, encombraient la chaussée. Dans cette rue étroite, quelle rage de vivre ! La rude odeur de l’alcool sort des bouges… Quelle confusion ! c’est l’heure équivoque où les griseries mauvaises