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avait fait pleurer des hommes. Nangès pensait :

— Elles sont ainsi. Elles mettent du sentiment dans les choses de l’esprit, et elles n’en mettent point dans les choses du cœur. Elles en mettent quand il n’en faut pas ; elles n’en mettent point quand il en faut.

Et tout à coup, un lourd ennui l’accabla. Il sentait sa solitude. Car sa vie s’épurait, devenait géométrique. Il se crispait dans la volonté de s’élever. Il ne pouvait se consoler de ne point vivre en ascète. Ainsi la connaissance qu’il avait faite du monde le rendait-elle irritable. Ses yeux avaient vu de si grandes choses qu’il en restait accablé et frissonnant.

Il alla trouver Labastière qui était seul et il lui parla longuement de Maurice Vincent. Il lui disait durement des choses si douces que Labastière eut un sourire triste :

— Il vous a manqué d’être père, dit-il.

— C’est vrai, répondit Nangès. Nos existences sont si absurdes ! Il faut bien maintenant que je prenne les enfants des autres.

Ils se turent longtemps. Et Nangès reprit :

— Il est passionné comme la France elle-même. Quand je l’ai vu venir à nous, j’ai pensé à la guerre, à la guerre qui purifiera, à