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pas trop mal pour Vincent. Le jeune homme ne voyait autour de lui que de braves gens. Sous leur écorce rude, il devinait chez eux des âmes naïves et fortes et de bonne trempe.

Maurice, sa cruche remplie, sortit dans la cour où naissait le jour blafard et incertain. Le trompette de garde, dans le silence de la ruche endormie, sonnait le réveil. Un peu plus loin, le clairon du 25e d’infanterie lui répondait, plus gai, plus alerte, plus content de vivre, le rythme plus rapide, plus saccadé… Ces sonneries de trompette, d’une tonalité un peu fausse, en mineur, évoquaient pour lui des tristesses de champ de bataille, des retraites, des déroutes, comme dans un tableau d’Alphonse de Neuville… Le clairon, c’est l’espoir, la joie de l’assaut, le soleil des combats. La trompette, c’est un cavalier en long manteau qui sonne, dans la nuit, les dernières heures… Triste musique, voix du nez des trompettes, voix enrhumée qui détonne toujours un peu, voix tremblante…

Maurice, mille sentiments troubles l’éprouvent, qu’il ne sait pas définir. Voilà la vie militaire qui recommence. Un millier d’êtres, ici et là, s’éveillent au monotone travail de tous