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femme et deux enfants auraient la tête tranchée et que le reste demeurerait esclave. La sentence fut exécutée sur le champ. Ils se mirent alors à discuter sur mon sort. Les opinions étaient partagées. Mon père parla près d’une heure, gesticulant de mille façons et menaçant même de me défendre au péril de sa vie. Il me réclamait comme son fils. Mon frère en fit autant. Ma mère entra, elle aussi, dans le conseil, en chantant et en dansant, comme pour apaiser ces vieillards. Elle passa, un collier de porcelaine autour de mon cou et en jeta un autre, au milieu des vieillards. Après que tous mes parents se furent retirés, le conseil siégea longtemps. De temps à autres, l’un d’eux se levait, allait jeter du tabac dans le feu et poussait une exclamation. Enfin il fut décidé, de convoquer une assemblée de toute la tribu et de lui remettre la décision de cette affaire. Près de 2000 Iroquois se réunirent. Mon père fit une seconde harangue, exaltant mon courage et étalant les services que la tribu pourrait retirer de mon adoption. Il parlait avec tant de force et de chaleur, que les sueurs l’inondaient. Finalement, un chef fort âgé, s’approcha de moi, brisa mes liens, et au milieu des cris d’approbation de tous les assistants, je fus conduit à la cabane de mon sauveur où je reçus tous les soins voulus. Mes plaies ne tardèrent pas à se cicatriser, mes ongles repoussèrent et je fus guéri complètement, moins un de mes doigts, qui demeura estropié. »

Radisson, passa l’hiver parmi les Iroquois, chéri de ses parents d’adoption et traité par la tribu, absolument comme s’il eut toujours été un des leurs.

Son père adoptif était un chef, jouissant d’un grand crédit. Il avait commandé un grand nombre d’expéditions, tué 19 ennemis et reçu 9 blessures. Il avait encore, jeune, enlevé une Huronne, qu’il avait épousée. Il y avait 40 ans, qu’il vivait avec elle. Cette femme avait conservé le souvenir de l’attachement de sa tribu pour les Français. C’est ce qui explique le dévouement qu’elle portait à Radisson. Vers la fin de l’hiver, il s’enrôla dans une bande de 10 guerriers, avec l’un de ses frères et partit en expédition de guerre. Chacun d’eux, emportait un fusil, une hache, un poi-