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Arrêtons nous un instant, après ce récit, pour condamner ce triple meurtre, tout à fait injustifiable. Les raisons qu’il donne, ne peuvent pas même pallier sa faute. D’ailleurs, puisqu’ils dormaient, pourquoi ne pas en profiter pour se sauver. Il n’était pas besoin pour cela, de les assassiner lâchement. Était-ce comme mesure de précaution et pour mieux assurer sa fuite qu’il en agissait ainsi ? Sans doute que ce fut le motif de ces meurtres. Cette dernière raison toutefois ne vaut pas mieux, que les autres.

Radisson, après ce méfait, se hâta de s’éloigner avec son nouveau compagnon de voyage. Après 14 jours de marche pénible, ils atteignirent les bords du lac Saint-Pierre. Il en était temps car ils se mourraient de faim. Ils commençaient déjà à humer l’air de la patrie et allaient bientôt saluer Trois-Rivières, lorsqu’ils furent surpris par une flottille Iroquoise. L’Algonquin fut percé d’une balle et Radisson cerné de toutes parts, fut pris de nouveau au moment où son canot, troué de plusieurs balles, allait couler à fond. Il vit ces cannibales dépecer et dévorer sous ses yeux, le malheureux Algonquin. Lui même, fut étroitement lié et traité cruellement. Le parti de guerre, entre les mains duquel il venait de tomber, se composait de 150 hommes. Il revenait d’une course jusque sous les murs de Québec. Ces Iroquois emportaient comme prisonniers, deux Français, une Française, 17 Hurons et presqu’autant de Huronnes. De plus, ils avaient 11 têtes, qui ornaient la proue de leurs bateaux. Comme on le voit, ils avaient fait une ample moisson et s’en revenaient tout enorgueillis de leurs succès. Radisson eut beaucoup à souffrir de leur brutalité. Les prisonniers étaient attachés pendant la nuit, à des poteaux, à demi nus, et de manière à être privés de tout mouvement. Les moustiques, pendant ce temps là, leur brûlaient le corps, sans compter les maringouins qui avaient aussi beau jeu.

Comme manière de passe temps, leurs gardiens leur enlevaient de temps à autres, qui, un ongle, qui, un doigt. Le jour de leur entrée dans le village Iroquois, auquel appartenait ce parti de guerre, ils furent liés et amenés en file, entre deux haies d’hommes et femmes.