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VI

« L’AFFAIRE LEMOINE » PAR MICHELET

Le diamant, lui, se peut extraire à d’étranges profondeurs (1.300 mètres). Pour en ramener la pierre fort brillante, qui seule peut soutenir le feu d’un regard de femme (en Afghanistan, diamant se dit « œil de flamme »), sans fin faudra-t-il descendre au royaume sombre. Que de fois Orphée s’égarera avant de ramener au jour Eurydice ! Nul découragement pourtant. Si le cœur faiblit, la pierre est là qui, de sa flamme fort distincte, semble dire : « Courage, encore un coup de pioche, je suis à toi. » Du reste une hésitation, et c’est la mort. Le salut n’est que dans la vitesse. Touchant dilemme. À le résoudre, bien des vies s’épuisèrent au moyen âge. Plus durement se posa-t-il au commencement du vingtième siècle (décembre 1907-janvier 1908). Je raconterai quelque jour cette magnifique affaire Lemoine dont aucun contemporain n’a soupçonné la grandeur, je montrerai ce petit homme, aux mains débiles, aux yeux brûlés par la terrible recherche, juif probablement (M. Drumont l’a affirmé non sans vraisemblance ; aujourd’hui encore les Lemoustiers — contraction de Monastère — ne sont pas rares en Dauphiné, terre d’élection d’Israël pendant tout le moyen âge), menant pendant trois mois toute la politique de l’Europe, courbant l’orgueilleuse Angleterre à consentir un traité de commerce ruineux pour elle,