Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

IV

PAR HENRI DE RÉGNIER

Le diamant ne me plaît guère. Je ne lui trouve pas de beauté. Le peu qu’il en ajoute à celle des visages est moins un effet de la sienne qu’un reflet de la leur. Il n’a ni la transparence marine de l’émeraude, ni l’azur illimité du saphir. Je lui préfère le rayon saure de la topaze, mais surtout le sortilège crépusculaire des opales. Elles sont emblématiques et doubles. Si le clair de lune irise une moitié de leur face, l’autre semble teinte par les feux roses et verts du couchant. Nous ne nous divertissons pas tant des couleurs qu’elles nous présentent, que nous ne sommes touchés du songe que nous nous y représentons. À qui ne sait rencontrer au delà de soi-même que la forme de son destin, elles en montrent le visage alternatif et taciturne.

Elles se trouvaient en grand nombre dans la ville où Hermas me conduisit. La maison que nous habitions valait plus par la beauté du site que par la commodité des êtres. La perspective des horizons y était mieux ménagée, que l’aménagement des lieux n’y était bien entendu. Il était plus agréable d’y songer qu’il n’était aisé d’y dormir. Elle était plus pittoresque que confortable. Accablés par la chaleur pendant le jour, les paons faisaient entendre toute la nuit leur cri fatidique et narquois qui, à vrai dire, est plus propice à la rêverie qu’il n’est favorable au som-