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âge de la République, avait su pourtant, tout comme un Cicéron, lancer la flèche d’or.

Mais l’action, un moment déprimée, se motive et se hâte. L’accusé est introduit, et d’abord, à sa vue, certaines personnes regrettent (toujours des suppositions !) la richesse qui leur aurait permis de partir au loin avec une femme aimée jadis, à ces heures dont parle le poète, seules dignes d’être vécues et où l’on s’enflamme parfois pour toute la vie, vita dignior ætas ! Le morceau, lu à haute voix, — et bien qu’y manque un peu ce ressentiment d’impressions douces et véritables, où se sont laissés aller avec bien de l’agrément un Monselet, un Frédéric Soulié — présenterait assez d’harmonie et de vague :

« Ils auraient connu le cri des pétrels, la venue des brouillards, l’oscillation des navires, le développement des nuées ». Mais, je le demande, que viennent faire ici les pétrels ? L’auteur visiblement recommence à s’amuser, tranchons le mot, à nous mystifier. On peut n’avoir pas pris ses us en ornithologie et savoir que le pétrel est un oiseau fort commun sur nos côtes, et qu’il n’est nul besoin d’avoir découvert le diamant et fait fortune pour le rencontrer. Un chasseur qui en a souvent poursuivi m’assure que son cri n’a absolument rien de particulier et qui puisse si fort émouvoir celui qui l’entend. Il est clair que l’auteur a mis cela au hasard de la phrase. Le cri du pétrel, il a trouvé que cela faisait bien et, dare-dare, il nous l’a servi. M. de Chateaubriand est le premier qui ait ainsi fait entrer dans un cadre étudié des détails ajoutés après coup et sur la vérité desquels il ne se montrait pas difficile. Mais lui, même dans son annotation dernière, il avait le don divin, le mot