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MÉLANGES

aux lettrés une idée de ces cérémonies, mais parce qu’ils avaient en leur vertu la même foi que les artistes qui sculptèrent le jugement dernier au tympan du porche, ou peignirent la vie des saints aux vitraux de l’abside. Combien l’œuvre tout entière devait parler plus haut, plus juste, quand tout un peuple répondait à la voix du prêtre, se courbait à genoux quand tintait la sonnette de l’élévation, non pas comme dans ces représentations rétrospectives, en froids figurants stylés, mais parce qu’eux aussi, comme le prêtre, comme le sculpteur, croyaient.

Voilà ce qu’on se dirait si la religion catholique était morte. Or, elle existe et pour nous imaginer ce qu’était vivante, et dans le plein exercice de ses fonctions, une cathédrale du XIIIe siècle, nous n’avons pas besoin de faire d’elle le cadre de reconstitutions, de rétrospectives exactes peut-être, mais glacées. Nous n’avons qu’à entrer à n’importe quelle heure, pendant que se célèbre un office. La mimique, la psalmodie et le chant ne sont pas confiés ici à des artistes. Ce sont les ministres mêmes du culte qui officient, dans un sentiment non d’esthétique, mais de foi, d’autant plus esthétiquement. Les figurants ne pourraient être souhaités plus vivants et plus sincères, puisque c’est le peuple qui prend la peine de figurer pour nous, sans s’en douter. On peut dire que grâce à la persistance dans l’Église catholique, des mêmes rites et, d’autre part, de la croyance catholique dans le cœur des Français, les cathédrales ne sont pas seulement les plus beaux monuments de notre art, mais les seuls qui vivent encore leur vie intégrale, qui soient restés en rapport avec le but pour lequel ils furent construits.

Or, la rupture du gouvernement français avec

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