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EN MÉMOIRE DES ÉGLISES ASSASSINÉES

que doit être célébré le « culte des Héros », je veux dire en esprit et en vérité. Nous visitons le lieu où un grand homme est né et celui où il est mort ; mais les lieux qu’il admirait entre tous, dont c’est la beauté même que nous aimons dans ses livres, ne les habitait-il pas davantage ?

Nous honorons d’un fétichisme qui n’est qu’illusion une tombe où reste seulement de Ruskin ce qui n’était pas lui-même, et nous n’irions pas nous agenouiller devant ces pierres d’Amiens, à qui il venait demander sa pensée, et qui la gardent encore, pareilles à la tombe d’Angleterre où d’un poète dont le corps

    réalité, le premier chapitre de son nouvel ouvrage, la Bible d’Amiens, lui-même conçu comme le premier volume de Our Fathers, etc., Esquisses de l’Histoire de la Chrétienté, etc.
    « Le ton nettement religieux de l’ouvrage fut remarqué comme marquant sinon un changement chez lui, du moins le développement très accusé d’une tendance qui avait dû se fortifier depuis un certain temps. Il avait passé de la phase du doute à la reconnaissance de la puissante et salutaire influence d’une religion grave ; il était venu à une attitude d’esprit dans laquelle, sans se dédire en rien de ce qu’il avait dit contre les croyances étroites et les pratiques contradictoires, sans formuler aucune doctrine définie de la vie future, et sans adopter le dogme d’aucune secte, il regardait la crainte de Dieu et la révélation de l’Esprit Divin comme de grands faits et des mobiles à ne pas négliger dans l’étude de l’histoire, comme la base de la civilisation et les guides du progrès » (Collingwood, The Life and work of John Ruskin, II, p. 206 et suivantes).
    À propos du sous-titre de la Bible d’Amiens, que rappelle M. Collingwood (Esquisses de l’Histoire de la Chrétienté pour les garçons et les filles qui ont été tenus sur les fonts baptismaux), je ferai remarquer combien il ressemble à d’autres sous-titres de Ruskin, par exemple à celui de Mornings in Florence, « De simples études sur l’Art chrétien pour les voyageurs anglais », et plus encore à celui de Saint-Marks Rest, « Histoire de Venise pour les rares voyageurs qui se soucient encore de ses monuments ».