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LES PLAISIRS ET LES JOURS.

chaque fois que je la regarde, si je devais dans le même temps entendre la dissertation d’un critique, même exquis ? » Il la quitta, prit une autre maîtresse qui était belle et sans esprit. Mais elle l’empêchait continuellement de jouir de son charme par un manque de tact impitoyable. Puis elle prétendit à l’intelligence, lut beaucoup, devint pédante et fut aussi intellectuelle que la première avec moins d’aisance et des maladresses ridicules. Il la pria de garder le silence : même quand elle ne parlait pas, sa beauté reflétait cruellement sa stupidité. Enfin, il fit la connaissance d’une femme chez qui l’intelligence ne se trahissait que par une grâce plus subtile, qui se contentait de vivre et ne dissipait pas dans des conversations trop précises le mystère charmant de sa nature. Elle était douce comme les bêtes gracieuses et agiles aux yeux profonds, et troublait comme, au matin, le souvenir poignant et vague de nos rêves. Mais elle ne prit point la peine de faire pour lui ce qu’avaient fait les deux autres : l’aimer.

II

les amies de la comtesse myrto

Myrto, spirituelle, bonne et jolie, mais qui donne dans le chic, préfère à ses autres amies Parthénis, qui est duchesse et plus brillante qu’elle ; pourtant elle se plaît