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LES PLAISIRS ET LES JOURS

III

« Nous devons nous confier à l’âme jusqu’à la fin ; car des choses aussi belles et aussi magnétiques que les relations de l’amour ne peuvent être supplantées et remplacées que par des choses plus belles et d’un degré plus élevé. »
(Emerson.)

Le salon de madame Seaune, née princesse de Galaise-Orlandes, dont nous avons parlé dans la première partie de ce récit sous son prénom de Françoise, est encore aujourd’hui un des salons les plus recherchés de Paris. Dans une société où un titre de duchesse l’aurait confondue avec tant d’autres, son nom bourgeois se distingue comme une mouche dans un visage, et en échange du titre perdu par son mariage avec M. Seaune, elle a acquis ce prestige d’avoir volontairement renoncé à une gloire qui élève si haut, pour une imagination bien née, les paons blancs, les cygnes noirs, les violettes, blanches et les reines en captivité.

Madame Seaune a beaucoup reçu cette année et l’année dernière, mais son salon a été fermé pendant les trois années précédentes, c’est-à-dire celles qui ont suivi la mort d’Honoré de Tenvres.

Les amis d’Honoré qui se réjouissaient de le voir peu à peu retrouver sa belle mine et sa gaieté d’autrefois, le rencontraient maintenant à toute heure avec madame Seaune