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LES PLAISIRS ET LES JOURS

— En somme, il n’y avait rien de très facile ce soir, conclut Honoré.

— Non, pas grand’chose, répondit M. de Buivres ; et comme Honoré était arrivé à sa porte, la conversation allait se terminer là, quand M. de Buivres ajouta :

— Excepté madame Seaune à qui vous avez dû être présenté, puisque vous étiez du dîner. Si vous en avez envie, c’est très facile. Mais à moi, elle ne me dirait pas ça !

— Mais je n’ai jamais entendu dire ce que vous dites, dit Honoré.

— Vous êtes jeune, répondit Buivres, et tenez, il y avait ce soir quelqu’un qui se l’est fortement payée, je crois que c’est incontestable, c’est ce petit François de Gouvres. Il dit qu’elle a un tempérament ! Mais il paraît qu’elle n’est pas bien faite. Il n’a pas voulu continuer. Je parie que pas plus tard qu’en ce moment elle fait la noce quelque part. Avez-vous remarqué comme elle quitte toujours le monde de bonne heure ?

— Elle habite pourtant, depuis qu’elle est veuve, dans la même maison que son frère, et elle ne se risquerait pas à ce que le concierge raconte qu’elle rentre dans la nuit.

— Mais, mon petit, de dix heures à une heure du matin on a le temps de faire bien des choses ! Et puis est-ce qu’on sait ? Mais une heure, il les est bientôt, il faut vous laisser vous coucher.

Il tira lui-même la sonnette ; au bout d’un instant, la porte s’ouvrit ; Buivres tendit la main à Honoré, qui lui dit adieu machinalement, entra, se sentit en même temps pris