Page:Proust - Les Plaisirs et les Jours, 1896.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
RÊVERIES COULEUR DU TEMPS

éplorées, étangs et pièces d’eau qu’un geste pieux a posés çà et là, comme des urnes offertes à la mélancolie des arbres !

III

promenade

Malgré le ciel si pur et le soleil déjà chaud, le vent soufflait encore aussi froid, les arbres restaient aussi nus qu’en hiver. Il me fallut, pour faire du feu, couper une de ces branches que je croyais mortes et la sève en jaillit, mouillant mon bras jusqu’au coude et dénonçant, sous l’écorce glacée de l’arbre, un cœur tumultueux. Entre les troncs, le sol nu de l’hiver s’emplissait d’anémones, de coucous et de violettes, et les rivières, hier encore sombres et vides, de ciel tendre, bleu et vivant qui s’y prélassait jusqu’au fond. Non ce ciel pâle et lassé des beaux soirs d’octobre qui, étendu au fond des eaux, semble y mourir