Page:Proust - Les Plaisirs et les Jours, 1896.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
LES PLAISIRS ET LES JOURS

L’autre soir, c’était toi qui voulais. Je t’en prie, cela a un intérêt pour moi.

Geneviève la regarda un peu étonnée et alla à la recherche de M. de Laléande ; il était parti.

— Tu vois que j’avais raison, dit Geneviève, en revenant auprès de Françoise.

— Je m’assomme ici, dit Françoise, j’ai mal à la tête,

Je t’en prie, partons tout de suite.

III

Françoise ne manqua plus une fois l’Opéra, accepta avec un espoir vague tous les dîners où elle fut encore invitée. Quinze jours se passèrent, elle n’avait pas revu M. de Laléande et souvent s’éveillait la nuit en pensant aux moyens de le revoir. Tout en se répétant qu’il était ennuyeux et pas beau, elle était plus préoccupée par lui que par tous les hommes les plus spirituels et les plus charmants. La saison finie, il ne se présenterait plus d’occasion de le revoir, elle était résolue à en créer et cherchait.

Un soir, elle dit à Geneviève :

— Ne m’as-tu pas dit que tu connaissais un M. de Laléande ?

— Jacques de Laléande ? Oui et non, il m’a été présenté, mais il ne m’a jamais laissé de cartes, je ne suis pas du tout en relation avec lui.

— C’est que je te dirai, j’ai un petit intérêt, même