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mais jusqu’au bout elle était décidée à « participer », à « faire clan ».

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Je m’étais assis à côté de Gilberte de Saint-Loup. Nous parlâmes beaucoup de Robert, Gilberte en parlait sur un ton déférent, comme si c’eût été un être supérieur qu’elle tenait à me montrer qu’elle avait admiré et compris. Nous nous rappelâmes l’un à l’autre combien les idées qu’il exposait jadis sur l’art de la guerre (car il lui avait souvent redit à Tansonville les mêmes thèses que je lui avais entendu exposer à Doncières et plus tard) s’étaient souvent et, en somme, sur un grand nombre de points trouvées vérifiées par la dernière guerre. « Je ne puis vous dire à quel point la moindre des choses qu’il me disait à Doncières et aussi pendant la guerre me frappe maintenant. Les dernières paroles que j’ai entendues de lui, quand nous nous sommes quittés pour ne plus nous revoir, étaient qu’il attendait Hindenburg, général napoléonien, à un des types de la bataille napoléonienne, celle qui a pour but de séparer deux adversaires, peut-être, avait-il ajouté, les Anglais et nous. Or, à peine un an après la mort de Robert, un critique pour lequel il avait une profonde admiration et qui exerçait visiblement une grande influence sur ses idées militaires, M. Henry Bidou, disait que l’offensive d’Hindenburg en mars 1918, c’était « la bataille de séparation d’un adversaire massé contre deux adversaires en ligne, manœuvre que l’Empereur a réussie en 1796 sur l’Apennin et qu’il a manquée en 1815 en Belgique ». Quelques instants aupara-