Personnellement je n’en sais absolument rien. On dit cela de temps en temps et je l’ai entendu annoncer si souvent que j’attendrai que ce soit fait pour le croire. J’ajoute que ce serait très compréhensible ; mon oncle est un homme charmant, non seulement dans le monde, mais pour ses amis, pour ses parents. Même, d’une façon, il a beaucoup plus de cœur que ma tante qui est une sainte, mais qui le lui fait terriblement sentir. Seulement c’est un mari terrible, qui n’a jamais cessé de tromper sa femme, de l’insulter, de la brutaliser, de la priver d’argent. Ce serait si naturel qu’elle le quitte que c’est une raison pour que ce soit vrai, mais aussi pour que cela ne le soit pas parce que c’en est une pour qu’on en ait l’idée et qu’on le dise. Et puis du moment qu’elle l’a supporté si longtemps... Maintenant je sais bien qu’il y a tant de choses qu’on annonce à tort, qu’on dément, et puis qui plus tard deviennent vraies. » Cela me fit penser à lui demander s’il avait jamais été question, avant son mariage avec Gilberte, qu’il épousât Mlle de Guermantes. Il sursauta et m’assura que non, que ce n’était qu’un de ces bruits du monde, qui naissent de temps à autre on ne sait pourquoi, s’évanouissent de même et dont la fausseté ne rend pas ceux qui ont cru en eux plus prudents, dès que naît un bruit nouveau de fiançailles, de divorce, ou un bruit politique, pour y ajouter foi et le colporter. Quarante-huit heures n’étaient pas passées que certains faits que j’appris me prouvèrent que je m’étais absolument trompé dans l’interprétation des paroles de Robert : « Tous ceux qui ne sont pas au front, c’est qu’ils ont peur. » Saint-Loup avait dit cela pour briller dans la conversation, pour faire de l’originalité psychologique, tant qu’il n’était pas sûr
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