de paille laissait voir une forêt indomptée de cheveux entièrement blancs, et une barbe blanche, comme celle que la neige fait aux statues des fleuves dans les jardins publics, coulait de son menton. C’était, à côté de Jupien qui se multipliait pour lui, M. de Charlus convalescent d’une attaque d’apoplexie que j’avais ignorée (on m’avait seulement dit qu’il avait perdu la vue ; or il ne s’était agi que de troubles passagers, car il voyait de nouveau très clair) et qui, à moins que jusque-là il se fût teint et qu’on lui eût interdit de continuer à en prendre la fatigue, avait plutôt, comme en une sorte de précipité chimique, rendu visible et brillant tout le métal dont étaient saturées et que lançaient comme autant de geysers les mèches maintenant de pur argent de sa chevelure et de sa barbe, cependant qu’elle avait imposé au vieux prince déchu la majesté shakespearienne d’un roi Lear. Les yeux n’étaient pas restés en dehors de cette convulsion totale, de cette altération métallurgique de la tête. Mais, par un phénomène inverse, ils avaient perdu tout leur éclat. Mais le plus émouvant est qu’on sentait que cet éclat perdu était la fierté morale, et que par là la vie physique et même intellectuelle de M. de Charlus survivait à l’orgueil aristocratique, qu’on avait pu croire un moment faire corps avec elles. Ainsi à ce moment, se rendant sans doute aussi chez le prince de Guermantes, passa en Victoria Mme de Sainte-Euverte, que le baron jadis ne trouvait pas assez chic pour lui. Jupien, qui prenait soin de lui comme d’un enfant, lui souffla à l’oreille que c’était une personne de connaissance, Mme de Sainte-Euverte. Et aussitôt, avec une peine infinie et toute l’application d’un malade qui veut se
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