eu quelque chose à dire sur la mère de Gilberte, le jeune seigneur répondit qu’en effet, dans la première partie de son existence, elle avait épousé un aventurier du nom de Swann, mais qu’ensuite elle avait épousé un des hommes les plus en vue de la société, le comte de Forcheville. Sans doute quelques personnes encore dans ce salon, la duchesse de Guermantes par exemple, eussent souri de cette assertion (qui, niant l’élégance de Swann, me paraissait monstrueuse, alors que moi-même jadis, à Combray, j’avais cru avec ma grand’tante que Swann ne pouvait connaître des « princesses ») et aussi des femmes qui eussent pu se trouver là mais qui ne sortaient plus guère, les duchesses de Montmorency, de Mouchy, de Sagan, qui avaient été les amies intimes de Swann et n’avaient jamais aperçu ce Forcheville, non reçu dans le monde au temps où elles y allaient encore. Mais précisément c’est que la société d’alors, de même que les visages aujourd’hui modifiés et les cheveux blonds remplacés par des cheveux blancs, n’existait plus que dans la mémoire d’êtres dont le nombre diminuait tous les jours. Bloch, pendant la guerre, avait cessé de « sortir », de fréquenter ses anciens milieux d’autrefois où il faisait piètre figure. En revanche, il n’avait cessé de publier de ces ouvrages dont je m’efforçais aujourd’hui, pour ne pas être entravé par elle, de détruire l’absurde sophistique, ouvrages sans originalité, mais qui donnaient aux jeunes gens et à beaucoup de femmes du monde l’impression d’une hauteur intellectuelle peu commune, d’une sorte de génie. Ce fut donc après une scission complète entre son ancienne mondanité et la nouvelle que, dans une société reconstituée, il avait fait, pour une phase nouvelle de sa vie, honorée, glorieuse, une apparition de grand homme. Les jeunes gens ignoraient naturellement qu’il fît à cet âge-là des débuts dans la société, d’autant que le peu de noms qu’il avait retenus dans la fréquentation de
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