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devient fou. — Je ne l’ai pas encore lu, disait un fidèle. — Comment, vous ne l’avez pas encore lu ? Mais vous ne savez pas les délices que vous vous refusez. C’est-à-dire que c’est d’un ridicule à mourir. » Et contente au fond que quelqu’un n’eût pas encore lu le Brichot pour avoir l’occasion d’en mettre elle-même en lumière les ridicules, Mme  Verdurin disait au maître d’hôtel d’apporter le Temps et faisait elle-même la lecture à haute voix, en faisant sonner avec emphase les phrases les plus simples. Après le dîner, pendant toute la soirée ; cette campagne anti-brichotiste continuait, mais avec de fausses réserves. « Je ne le dis pas trop haut parce que j’ai peur que là-bas, disait-elle en montrant la comtesse Molé, on n’admire assez cela. Les gens du monde sont plus naïfs qu’on ne croit. » Mme  Molé, à qui on tâchait de faire entendre, en parlant assez fort, qu’on parlait d’elle, tout en s’efforçant de lui montrer par des baissements de voix, qu’on n’aurait pas voulu être entendu d’elle, reniait lâchement Brichot qu’elle égalait en réalité à Michelet. Elle donnait raison à Mme  Verdurin, et pour terminer pourtant par quelque chose qui lui paraissait incontestable, disait : « Ce qu’on ne peut pas lui retirer, c’est que c’est bien écrit. — Vous trouvez ça bien écrit, vous ? disait Mme  Verdurin, moi je trouve ça écrit comme par un cochon », audace qui faisait rire les gens du monde, d’autant plus que Mme  Verdurin, effarouchée elle-même par le mot de cochon, l’avait prononcé en le chuchotant la main rabattue sur les lèvres. Sa rage contre Brichot croissait d’autant plus que celui-ci étalait naïvement la satisfaction de son succès, malgré les accès de mauvaise humeur que provoquait chez lui la censure, chaque fois que, comme il le disait avec son habitude d’employer les mots nouveaux pour montrer qu’il n’était pas trop universitaire, elle avait « caviardé » une partie de son article. Devant lui Mme  Verdurin ne laissait pas trop voir,