Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

personne, on provoquait la scène, on supposait un dialogue. On disait  : « Comment, seulement deux heures de l’après-midi  ? J’aurais cru bien plus.  » Et on répondait  : «  Mais oui, ce qui vous trompe, c’est que c’est samedi.  »

– Attends, encore un petit mot  ; suppose que tu ne me connaisses pas, que tu n’aies pas su qu’il devait y avoir ces jours-ci un article de moi  ; crois-tu que tu l’aurais vu  ? Moi, il me semble que cette partie-là ne se lit pas.

– Mais, petit crétin, comment veux-tu qu’on ne la voie pas  ?

C’est la première chose qu’on voit en ouvrant le journal. Et un article de cinq colonnes  !

– Oui, cela va ennuyer M. Calmette. Il trouve que cela fait mauvais effet dans le journal, les lecteurs n’aiment pas cela.

Ici la figure de Maman devient sérieusement ennuyée.

– Mais alors pourquoi l’as-tu fait  ? Ce n’est vraiment pas gentil, puisqu’il est si bon pour toi, et puis tu comprends, si cela ne plaît pas, s’il en a des critiques, il ne t’en redemandera plus. Il y a peut-être des choses que tu aurais pu supprimer. Et Maman prend le journal dont elle avait fait prendre un numéro pour elle, pour ne pas avoir à me redemander le mien.

Le ciel s’était obscurci, j’entendis dans la cheminée de ces coups de vent qui emportent mon cœur jusqu’au bord de la mer où je veux partir,