Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

iris de son chapeau qui ressemblaient à ceux qu’il y avait sur le rebord de la fenêtre du concierge-savetier-tailleur, sans s’arrêter et pour montrer qu’elle n’était pas fière, envoyait des sourires et des petits bonjours de la main indistinctement au porteur d’eau, à mes parents et aux enfants du concierge…

Puis le dernier roulement de sa calèche éteint, on refermait la porte cochère, pendant que très lentement, au pas de chevaux énormes, avec un valet de pied dont le chapeau arrivait à la hauteur des premiers étages, la calèche longue comme la façade des maisons allait de maison en maison, elle sanctifiait les rues insensibles d’un parfum d’aristocratie, s’arrêtait pour faire déposer des cartes, faisait venir les fournisseurs lui parler à la voiture, croisant des amies, qui allaient à une matinée où elle était invitée, ou même en revenaient déjà. Mais la calèche prenait une rue de traverse, la comtesse voulait d’abord aller faire un tour au Bois, et n’irait à la matinée qu’en rentrant, quand il n’y aurait plus personne et qu’on appellerait dans la cour les dernières voitures. Elle savait si bien dire à une maîtresse de maison, en lui serrant les deux mains de ses gants de Suède, les deux coudes au corps et en touchant sa taille pour admirer sa toilette et comme un sculpteur qui pose sa statue, comme une couturière qui essaye un corsage, avec ce sérieux qui allait si bien à ses yeux doux et à sa voix grave  : «  Vraiment cela n’a pas