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Les photographies des plus belles entre les grandes dames d’aujourd’hui étaient posées dans l’hôtel d’Alençon sur les consoles en vieux chêne de Mlle Cormon. Mais elles y avaient ces poses anciennes, pleines d’art, si bien associées par des chefs-d’œuvre d’art et de littérature à des grâces d’autrefois, qu’elles n’ajoutaient qu’un charme d’art de plus au décor, où d’ailleurs, dès le vestibule, la présence des domestiques, ou, dans le salon, la conversation des maîtres étaient hélas forcément d’aujourd’hui. Si bien que la petite évocation de l’hôtel d’Alençon fut surtout balzacienne pour les personnes de plus de goût que d’imagination, sachant voir, mais ayant besoin de voir, et qui en revenaient émerveillées. Mais pour ma part, j’en fus un peu déçu. Quand j’avais appris que Mme de Cardaillec habitait à Alençon l’hôtel de Mlle Cormon ou de Mme de Bargeton, de savoir qu’existait ce que je voyais si bien dans ma pensée m’avait donné une trop forte impression pour que les disparates de la réalité puissent la reconstituer.

Je dois dire cependant, et pour quitter enfin Balzac, que c’est en balzacienne de beaucoup d’esprit que le montrait Mme de Cardaillec. «  Si vous voulez, vous viendrez demain avec moi à Forcheville, me dit-elle, vous verrez l’impression que nous produirons dans la ville. C’est le jour où Mlle Cormon attelait sa jument pour aller au Prébaudet. En attendant mettons-nous à table.