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d’un même visiteur qu’il y a des contradictions. Sainte-Beuve ne se fait pas faute de rappeler une anecdote, d’aller chercher une lettre, d’appeler en témoignage un homme d’autorité et de sagesse, qui se chauffait les – pieds avec philosophie, mais qui ne demande pas mieux que d’apporter un petit coup de marteau pour montrer que celui qui vient de donner un tel avis en avait un tout autre.

M. Molé, son chapeau haut de forme à la main, rappelle que Lamartine, quand il apprit que Royer-Collard se présentait à l’Académie, lui écrivit spontanément pour lui demander de voter pour lui  ; mais le jour de l’élection venu, il vota contre lui et une autre fois, ayant voté contre Ampère, envoya Mme de Lamartine le féliciter chez Mme de Récamier.

Cette conception si superficielle, nous le verrons, ne changea pas, mais cet idéal factice fut à jamais perdu.

La nécessité l’obligea de renoncer à cette vie. Ayant dû donner sa démission d’administrateur de la Bibliothèque Mazarine, il lui fallut, pour vivre, d’abord accepter un cours à Liège  ; puis de faire les Lundis au Constitutionnel. À partir de ce moment le loisir, qu’il avait souhaité, fut remplacé par un travail acharné. «  Je ne puis m’empêcher, nous dit un de ses secrétaires, de me rappeler l’illustre écrivain le matin à sa toilette, griffonnant