moi — le caractère d’Albertine. J’avais cru que c’était frivolité, mais ne savais si toutes nos supplications ne réussiraient pas à la retenir et lui faire manquer une garden-party, une promenade à ânes, un pique-nique. Dans mon second séjour à Balbec, je soupçonnai que cette frivolité n’était qu’une apparence, la garden-party qu’un paravent, sinon une invention. Il se passait sous des formes diverses la chose suivante (j’entends la chose vue par moi, de mon côté du verre, qui n’était nullement transparent, et sans que je puisse savoir ce qu’il y avait de vrai de l’autre côté). Albertine me faisait les protestations de tendresse les plus passionnées. Elle regardait l’heure parce qu’elle devait aller faire une visite à une dame qui recevait, paraît-il, tous les jours à cinq heures, à Infreville. Tourmenté d’un soupçon et me sentant d’ailleurs souffrant, je demandais à Albertine, je la suppliais de rester avec moi. C’était impossible (et même elle n’avait plus que cinq minutes à rester) parce que cela fâcherait cette dame, peu hospitalière et susceptible, et, disait Albertine, assommante. « Mais on peut bien manquer une visite. — Non, ma tante m’a appris qu’il fallait être polie avant tout. — Mais je vous ai vue si souvent être impolie. — Là, ce n’est pas la même chose, cette dame m’en voudrait et me ferait des histoires avec ma tante. Je ne suis déjà pas si bien que cela avec elle. Elle tient à ce que je sois allée une fois la voir. — Mais puisqu’elle reçoit tous les jours. » Là, Albertine sentant qu’elle s’était « coupée », modifiait la raison. « Bien entendu elle reçoit tous les jours. Mais aujourd’hui j’ai donné rendez-vous chez elle à des amies. Comme cela on s’ennuiera moins. — Alors, Albertine, vous préférez la dame et vos amies à moi, puisque, pour ne pas risquer de faire une visite un peu ennuyeuse, vous préférez de me laisser seul, malade et désolé ? — Cela me serait
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