débile encore dans le silence de la grève, sur laquelle la mer montait, et comme une voix qui aurait traduit et accru le vague énervant de cette heure inquiète et fausse, un petit orgue de Barbarie arrêté devant l’hôtel jouait des valses viennoises. Enfin Françoise arriva, mais seule. « Je suis été aussi vite que j’ai pu mais elle ne voulait pas venir à cause qu’elle ne se trouvait pas assez coiffée. Si elle n’est pas restée une heure d’horloge à se pommader, elle n’est pas restée cinq minutes. Ça va être une vraie parfumerie ici. Elle vient, elle est restée en arrière pour s’arranger devant la glace. Je croyais la trouver là. » Le temps fut long encore avant qu’Albertine arrivât. Mais la gaieté, la gentillesse qu’elle eut cette fois dissipèrent ma tristesse. Elle m’annonça (contrairement à ce qu’elle avait dit l’autre jour) qu’elle resterait la saison entière, et me demanda si nous ne pourrions pas, comme la première année, nous voir tous les jours. Je lui dis qu’en ce moment j’étais trop triste et que je la ferais plutôt chercher de temps en temps, au dernier moment, comme à Paris. « Si jamais vous vous sentez de la peine ou que le cœur vous en dise, n’hésitez pas, me dit-elle, faites-moi chercher, je viendrai en vitesse, et si vous ne craignez pas que cela fasse scandale dans l’hôtel, je resterai aussi longtemps que vous voudrez. » Françoise avait, en la ramenant, eu l’air heureuse comme chaque fois qu’elle avait pris une peine pour moi et avait réussi à me faire plaisir. Mais Albertine elle-même n’était pour rien dans cette joie et, dès le lendemain, Françoise devait me dire ces paroles profondes : « Monsieur ne devrait pas voir cette demoiselle. Je vois bien le genre de caractère qu’elle a, elle vous fera des chagrins. » En reconduisant Albertine, je vis, par la salle à manger éclairée, la princesse de Parme. Je ne fis que la regarder en m’arrangeant à n’être pas vu. Mais j’avoue que je trouvai une certaine
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