maîtresse de maison par son petit nom, les altesses, les duchesses qu’elle-même, la princesse d’Épinoy, avait grand’peine à attirer chez elle, et auxquelles en ce moment, sous les yeux bienveillants d’Odette, le marquis du Lau, le comte Louis de Turenne, le prince Borghèse, le duc d’Estrées, portant l’orangeade et les petits fours, servaient de panetiers et d’échansons. La princesse d’Épinoy, comme elle mettait, sans s’en rendre compte, la qualité mondaine à l’intérieur des êtres, fut obligée de désincarner Mme Swann et de la réincarner en une femme élégante. L’ignorance de la vie réelle que mènent les femmes qui ne l’exposent pas dans les journaux tend ainsi sur certaines situations (et contribue par là à diversifier les salons) un voile de mystère. Pour Odette, au commencement, quelques hommes de la plus haute société, curieux de connaître Bergotte, avaient été dîner chez elle dans l’intimité. Elle avait eu le tact, récemment acquis, de n’en pas faire étalage, ils trouvaient là, souvenir peut-être du petit noyau dont Odette avait gardé, depuis le schisme, les traditions, le couvert mis, etc. Odette les emmenait avec Bergotte, que cela achevait d’ailleurs de tuer, aux « première » intéressantes. Ils parlèrent d’elle à quelques femmes de leur monde capables de s’intéresser à tant de nouveauté. Elles étaient persuadées qu’Odette, intime de Bergotte, avait plus ou moins collaboré à ses œuvres, et la croyaient mille fois plus intelligente que les femmes les plus remarquables du faubourg, pour la même raison qu’elles mettaient tout leur espoir politique en certains républicains bon teint comme M. Doumer et M. Deschanel, tandis qu’elles voyaient la France aux abîmes si elle était confiée au personnel monarchiste qu’elles recevaient à dîner, aux Charette, aux Doudeauville, etc. Ce changement de la situation d’Odette s’accomplissait de sa part avec une dis-
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