mêmes n’avaient-ils pas pris la peine de m’avertir de ne pas trop compter sur cette amabilité, puisque la duchesse de Guermantes, qui m’avait fait tant de bonjours avec la main à l’Opéra-comique, avait eu l’air furieux que je la saluasse dans la rue, comme les gens qui, ayant une fois donné un louis à quelqu’un, pensent qu’avec celui-là ils sont en règle pour toujours. Quant à M. de Charlus, ses hauts et ses bas étaient encore plus contrastés. Enfin j’ai connu, on le verra, des altesses et des majestés d’une autre sorte, reines qui jouent à la reine, et parlent non selon les habitudes de leurs congénères, mais comme les reines dans Sardou.
Si M. de Guermantes avait mis tant de hâte à me présenter, c’est que le fait qu’il y ait dans une réunion quelqu’un d’inconnu à une Altesse royale est intolérable et ne peut se prolonger une seconde. C’était cette même hâte que Saint-Loup avait mise à se faire présenter à ma grand’mère. D’ailleurs, par un reste hérité de la vie des cours qui s’appelle la politesse mondaine et qui n’est pas superficiel, mais où, par un retournement du dehors au dedans, c’est la superficie qui devient essentielle et profonde, le duc et la duchesse de Guermantes considéraient comme un devoir plus essentiel que ceux, assez souvent négligés, au moins par l’un d’eux, de la charité, de la chasteté, de la pitié et de la justice, celui, plus inflexible, de ne guère parler à la princesse de Parme qu’à la troisième personne.
À défaut d’être encore jamais de ma vie allé à Parme (ce que je désirais depuis de lointaines vacances de Pâques), en connaître la princesse, qui, je le savais, possédait le plus beau palais de cette cité unique où tout d’ailleurs devait être homogène, isolée qu’elle était du reste du monde, entre les parois polies, dans l’atmosphère, étouffante comme un soir d’été sans air sur une place de petite ville italienne, de son nom compact et trop doux, cela aurait dû substituer tout d’un coup