Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 8.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme carte et de la laisser à dix heures du matin. Sa vieille mère souris lui montrera qu’elle en sait autant qu’elle sur ce chapitre-là. » Swann ne put s’empêcher de rire en pensant que la duchesse, qui était du reste un peu jalouse du succès de Mme  Molé, trouverait bien dans « l’esprit des Guermantes » quelque réponse impertinente à l’égard de la visiteuse. « Pour ce qui est du titre de duc de Brabant, je vous ai dit cent fois, Oriane… », reprit le duc, à qui la duchesse coupa la parole, sans écouter.

— Mais mon petit Charles, je m’ennuie après votre photographie.

— Ah ! extinctor draconis labrator Anubis, dit Swann.

— Oui, c’est si joli ce que vous m’avez dit là-dessus en comparaison du Saint-Georges de Venise. Mais je ne comprends pas pourquoi Anubis.

— Comment est celui qui est ancêtre de Babal ? demanda M. de Guermantes.

— Vous voudriez voir sa baballe, dit Mme  de Guermantes d’un air sec pour montrer qu’elle méprisait elle-même ce calembour. Je voudrais les voir tous, ajouta-t-elle.

— Écoutez, Charles, descendons en attendant que la voiture soit avancée, dit le duc, vous nous ferez votre visite dans le vestibule, parce que ma femme ne nous fichera pas la paix tant qu’elle n’aura pas vu votre photographie. Je suis moins impatient à vrai dire, ajouta-t-il d’un air de satisfaction. Je suis un homme calme, moi, mais elle nous ferait plutôt mourir.

— Je suis tout à fait de votre avis, Basin, dit la duchesse, allons dans le vestibule, nous savons au moins pourquoi nous descendons de votre cabinet, tandis que nous ne saurons jamais pourquoi nous descendons des comtes de Brabant.

— Je vous ai répété cent fois comment le titre était entré dans la maison de Hesse, dit le duc (pendant que