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« Quelle perfidie ! pensa Mme  de Villeparisis. C’est sûrement de cela qu’elle parlait tout bas, l’autre jour, à Mme  de Beaulaincourt et à Mme  de Chaponay. » — J’étais libre, mais je ne serais pas venue, répondit-elle. J’ai entendu Mme  Ristori dans son beau temps, ce n’est plus qu’une ruine. Et puis je déteste les vers de Carmen Sylva. La Ristori est venue ici une fois, amenée par la duchesse d’Aoste, dire un chant de l’Enfer, de Dante. Voilà où elle est incomparable.

Alix supporta le coup sans faiblir. Elle restait de marbre. Son regard était perçant et vide, son nez noblement arqué. Mais une joue s’écaillait. Des végétations légères, étranges, vertes et roses, envahissaient le menton. Peut-être un hiver de plus la jetterait bas.

— Tenez, monsieur, si vous aimez la peinture, regardez le portrait de Mme  de Montmorency, dit Mme  de Villeparisis à Legrandin pour interrompre les compliments qui recommençaient.

Profitant de ce qu’il s’était éloigné, Mme  de Guermantes le désigna à sa tante d’un regard ironique et interrogateur.

— C’est M. Legrandin, dit à mi-voix Mme  de Villeparisis ; il a une sœur qui s’appelle Mme  de Cambremer, ce qui ne doit pas, du reste, te dire plus qu’à moi.

— Comment, mais je la connais parfaitement, s’écria en mettant sa main devant sa bouche Mme  de Guermantes. Ou plutôt je ne la connais pas, mais je ne sais pas ce qui a pris à Basin, qui rencontre Dieu sait où le mari, de dire à cette grosse femme de venir me voir. Je ne peux pas vous dire ce que ç’a été que sa visite. Elle m’a raconté qu’elle était allée à Londres, elle m’a énuméré tous les tableaux du British. Telle que vous me voyez, en sortant de chez vous je vais fourrer un carton chez ce monstre. Et ne croyez pas que ce soit des plus faciles, car sous prétexte qu’elle est mourante elle est toujours chez elle et, qu’on y aille à sept heures