dre un masque d’indifférence, et l’interminable oisiveté autour de cette agonie leur faisait tenir ces mêmes propos qui sont inséparables d’un séjour prolongé dans un wagon de chemin de fer. D’ailleurs ce cousin (le neveu de ma grand’tante) excitait chez moi autant d’antipathie qu’il méritait et obtenait généralement d’estime.
On le « trouvait » toujours dans les circonstances graves, et il était si assidu auprès des mourants que les familles, prétendant qu’il était délicat de santé, malgré son apparence robuste, sa voix de basse-taille et sa barbe de sapeur, le conjuraient toujours avec les périphrases d’usage de ne pas venir à l’enterrement. Je savais d’avance que maman, qui pensait aux autres au milieu de la plus immense douleur, lui dirait sous une tout autre forme ce qu’il avait l’habitude de s’entendre toujours dire :
— Promettez-moi que vous ne viendrez pas « demain ». Faites-le pour « elle ». Au moins n’allez pas « là-bas ». Elle vous avait demandé de ne pas venir.
Rien n’y faisait ; il était toujours le premier à la « maison », à cause de quoi on lui avait donné, dans un autre milieu, le surnom, que nous ignorions, de « ni fleurs ni couronnes ». Et avant d’aller à « tout », il avait toujours « pensé à tout », ce qui lui valait ces mots : « Vous, on ne vous dit pas merci. »
— Quoi ? demanda d’une voix forte mon grand-père qui était devenu un peu sourd et qui n’avait pas entendu quelque chose que mon cousin venait de dire à mon père.
— Rien, répondit le cousin. Je disais seulement que j’avais reçu ce matin une lettre de Combray où il fait un temps épouvantable et ici un soleil trop chaud.
— Et pourtant le baromètre est très bas, dit mon père.
— Où ça dites-vous qu’il fait mauvais temps ? demanda mon grand-père.
— À Combray.