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faire — j’en exigerai autant que je vous ferai de dons — c’est de ne pas aller dans le monde. J’ai souffert tantôt de vous voir à cette réunion ridicule. Vous me direz que j’y étais bien, mais pour moi ce n’est pas une réunion mondaine, c’est une visite de famille. Plus tard, quand vous serez un homme arrivé, si cela vous amuse de descendre un moment dans le monde, ce sera peut-être sans inconvénients. Alors je n’ai pas besoin de vous dire de quelle utilité je pourrai vous être. Le « Sésame » de l’hôtel Guermantes et de tous ceux qui valent la peine que la porte s’ouvre grande devant vous, c’est moi qui le détiens. Je serai juge et entends rester maître de l’heure.

Je voulus profiter de ce que M. de Charlus parlait de cette visite chez Mme de Villeparisis pour tâcher de savoir quelle était exactement celle-ci, mais la question se posa sur mes lèvres autrement que je n’aurais voulu et je demandai ce que c’était que la famille Villeparisis.

— C’est absolument comme si vous me demandiez ce que c’est que la famille : « rien » me répondit M. de Charlus. Ma tante a épousé par amour un M. Thirion, d’ailleurs excessivement riche, et dont les sœurs étaient très bien mariées et qui, à partir de ce moment-là, s’est appelé le marquis de Villeparisis. Cela n’a fait de mal à personne, tout au plus un peu à lui, et bien peu ! Quant à la raison, je ne sais pas ; je suppose que c’était, en effet, un monsieur de Villeparisis, un monsieur né à Villeparisis, vous savez que c’est une petite localité près de Paris. Ma tante a prétendu qu’il y avait ce marquisat dans la famille, elle a voulu faire les choses régulièrement, je ne sais pas pourquoi. Du moment qu’on prend un nom auquel on n’a pas droit, le mieux est de ne pas simuler des formes régulières.

« Mme de Villeparisis, n’étant que Mme Thirion, acheva la chute qu’elle avait commencée dans mon