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Mme de Villeparisis. Mais, ajouta-t-elle gracieusement en s’adressant au prince, si j’en ai eu toute jeune des notions un peu plus sérieuses que les autres enfants de la campagne, je le dois à un homme bien distingué de votre nation, M. de Schlegel. Je l’ai rencontré à Broglie où ma tante Cordelia (la maréchale de Castellane) m’avait amenée. Je me rappelle très bien que M. Lebrun, M. de Salvandy, M. Doudan, le faisaient parler sur les fleurs. J’étais une toute petite fille, je ne pouvais pas bien comprendre ce qu’il disait. Mais il s’amusait à me faire jouer et, revenu dans votre pays, il m’envoya un bel herbier en souvenir d’une promenade que nous avions été faire en phaéton au Val Richer et où je m’étais endormie sur ses genoux. J’ai toujours conservé cet herbier et il m’a appris à remarquer bien des particularités des fleurs qui ne m’auraient pas frappée sans cela. Quand Mme de Barante a publié quelques lettres de Mme de Broglie, belles et affectées comme elle était elle-même, j’avais espéré y trouver quelques-unes de ces conversations de M. de Schlegel. Mais c’était une femme qui ne cherchait dans la nature que des arguments pour la religion.

Robert m’appela dans le fond du salon, où il était avec sa mère.

— Que tu as été gentil, lui dis-je, comment te remercier ? Pouvons-nous dîner demain ensemble ?

— Demain, si tu veux, mais alors avec Bloch ; je l’ai rencontré devant la porte ; après un instant de froideur, parce que j’avais, malgré moi, laissé sans réponse deux lettres de lui (il ne m’a pas dit que c’était cela qui l’avait froissé, mais je l’ai compris), il a été d’une tendresse telle que je ne peux pas me montrer ingrat envers un tel ami. Entre nous, de sa part au moins, je sens bien que c’est à la vie, à la mort.

Je ne crois pas que Robert se trompât absolument. Le dénigrement furieux était souvent chez Bloch l’effet