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pas existé, je n’en eusse pas moins manqué de me promener à cette même heure.

Hélas ! si pour moi rencontrer toute autre personne qu’elle eût été indifférent, je sentais que, pour elle, rencontrer n’importe qui excepté moi eût été supportable. Il lui arrivait, dans ses promenades matinales, de recevoir le salut de bien des sots et qu’elle jugeait tels. Mais elle tenait leur apparition sinon pour une promesse de plaisir, du moins pour un effet du hasard. Et elle les arrêtait quelquefois car il y a des moments où on a besoin de sortir de soi, d’accepter l’hospitalité de l’âme des autres, à condition que cette âme, si modeste et laide soit-elle, soit une âme étrangère, tandis que dans mon cœur elle sentait avec exaspération que ce qu’elle eût retrouvé, c’était elle. Aussi, même quand j’avais pour prendre le même chemin une autre raison que de la voir, je tremblais comme un coupable au moment où elle passait ; et quelquefois, pour neutraliser ce que mes avances pouvaient avoir d’excessif, je répondais à peine à son salut, ou je la fixais du regard sans la saluer, ni réussir qu’à l’irriter davantage et à faire qu’elle commença en plus à me trouver insolent et mal élevé.

Elle avait maintenant des robes plus légères, ou du moins plus claires, et descendait la rue où déjà, comme si c’était le printemps, devant les étroites boutiques intercalées entre les vastes façades des vieux hôtels aristocratiques, à l’auvent de la marchande de beurre, de fruits, de légumes, des stores étaient tendus contre le soleil. Je me disais que la femme que je voyais de loin marcher, ouvrir son ombrelle, traverser la rue, était, de l’avis des connaisseurs, la plus grande artiste actuelle dans l’art d’accomplir ces mouvements et d’en faire quelque chose de délicieux. Cependant elle s’avançait ignorante de cette réputation éparse ; son corps étroit, réfractaire et qui n’en avait rien absorbé était obliquement cambré sous une écharpe de surah