sion il s’arrangeait à atténuer singulièrement, comme les avares qui se décident à acquitter leurs dettes mais n’ont le courage d’en payer que la moitié. Ce genre de fraudes qui consiste à avoir l’audace de proclamer la vérité, mais en y mêlant, pour une bonne part, des mensonges qui la falsifient, est plus répandu qu’on ne pense et même, chez ceux qui ne le pratiquent pas habituellement, certaines crises dans la vie, notamment celles où une liaison amoureuse est en jeu, leur donnent l’occasion de s’y livrer.
Toutes ces diatribes confidentielles de Bloch à Saint-Loup contre moi, à moi contre Saint-Loup finirent par une invitation à dîner. Je ne suis pas bien sûr qu’il ne fit pas d’abord une tentative pour avoir Saint-Loup seul. La vraisemblance rend cette tentative probable, le succès ne la couronna pas, car ce fut à moi et à Saint-Loup que Bloch dit un jour : « Cher maître, et vous, cavalier aimé d’Arès, de Saint-Loup-en-Bray, dompteur de chevaux, puisque je vous ai rencontrés sur le rivage d’Amphitrite résonnant d’écume, près des tentes des Ménier aux nefs rapides, voulez-vous tous deux venir dîner un jour de la semaine chez mon illustre père au cœur irréprochable ? » Il nous adressait cette invitation parce qu’il avait le désir de se lier plus étroitement avec Saint-Loup qui le ferait, espérait-il, pénétrer dans les milieux aristocratiques. Formé par moi, pour moi, ce souhait eût paru à Bloch la marque du plus hideux snobisme, bien conforme à l’opinion qu’il avait de tout un côté de ma nature qu’il ne jugeait pas, jusqu’ici du moins, le principal ; mais le même souhait, de sa part, lui semblait la preuve d’une belle curiosité de son intelligence désireuse de certains dépaysements sociaux où il pouvait peut-être trouver quelque utilité littéraire. M. Bloch père, quand son fils lui avait dit qu’il amènerait à dîner un de ses amis, dont il avait décliné sur un ton de satisfaction sarcastique le titre et le nom : « Le