auquel il eût fallu s’adapter la cloison de ses habitudes, que c’était son chez elle, au sein duquel elle était restée, qui voyageait plutôt qu’elle-même…
Dès lors, ayant placé entre elle d’une part, le personnel de l’hôtel et les fournisseurs de l’autre, ses domestiques qui recevaient à sa place le contact de cette humanité nouvelle et entretenaient autour de leur maîtresse l’atmosphère accoutumée, ayant mis ses préjugés entre elle et les baigneurs, insoucieuse de déplaire à des gens que ses amies n’auraient pas reçus, c’est dans son monde qu’elle continuait à vivre par la correspondance avec ses amies, par le souvenir, par la conscience intime qu’elle avait de sa situation, de la qualité de ses manières, de la compétence de sa politesse. Et tous les jours, quand elle descendait pour aller dans sa calèche faire une promenade, sa femme de chambre qui portait ses affaires derrière elle, son valet de pied qui la devançait semblaient comme ces sentinelles qui, aux portes d’une ambassade pavoisée aux couleurs du pays dont elle dépend, garantissent pour elle, au milieu d’un sol étranger, le privilège de son exterritorialité. Elle ne quitta pas sa chambre avant le milieu de l’après-midi, le jour de notre arrivée, et nous ne l’aperçûmes pas dans la salle à manger où le directeur, comme nous étions nouveaux venus, nous conduisit, sous sa protection, à l’heure du déjeuner, comme un gradé qui mène des bleus chez le caporal tailleur pour les faire habiller ; mais nous y vîmes, en revanche, au bout d’un instant un hobereau et sa fille, d’une obscure mais très ancienne famille de Bretagne, M. et Mlle de Stermaria, dont on nous avait fait donner la table, croyant qu’ils ne rentreraient que le soir. Venus seulement à Balbec pour retrouver des châtelains qu’ils connaissaient dans le voisinage, ils ne passaient dans la salle à manger de l’hôtel, entre les invitations acceptées au dehors et les visites rendues que le temps strictement nécessaire. C’était leur